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En route avec Hieronymous


A l'automne 2021, je suis tombée en arrêt devant une reproduction du Jardin des Délices.


C'est Patrick Boucheron qui m'avait envoyée dans la peinture du Moyen-âge. Je venais de lire "Conjurer la peur". J'ai voulu voir la fresque, en vrai. J'ai embarqué avec mon petit mari, qui n'avait rien de mieux à faire ce jour là, et nous sommes partis en camion sur les routes de Ligurie et de Toscane jusqu'à Sienne.


Au retour, en tirant des bords avec cette fresque, Boucheron, tous ses fils de questions , j'ai commencé à remonter au vent vers la peinture médiévale, flirtant avec la Renaissance parfois.

J'ai commencé par me promener dans les rayons de la bibliothèque de Bordeaux. C'est là je suis tombée les deux pieds dans le Jardin des Délices.

Cette chose incroyable, colorée, dense, infiniment inspirante est l oeuvre d'un peintre flamand du 15e siècle : Hieronymus Bosch.

Ravie d'avoir trouvé un compagnon de route (mon mari a parfois autre chose à faire), j'ai décidé de le suivre ou de le laisser m'accompagner, selon comment on voit les choses. Nous nous sommes bien entendus et tenus compagnie pendant presque un an.


J'ai un peu appris à le connaître par l'usage immodéré de son catalogue raisonné, fruit du travail du Bosch Project.


Comme du Moyen-âge je ne connais pas grand chose, j'ai décidé de me faire un peu de culture en allant voir la tapisserie de Bayeux.

J'ai pris un cours de broderie au point de Bayeux.

C'est un point qui demande de la précision et de la réflexion. Je n'en ai pas encore fini avec lui. Alors, en attendant , j'ai repris mon petit crochet pour faire aussi mon arbre "à la Bayeux" version Delf. Il est installé dans une maison normande aujourd'hui. Si vous voulez le visiter, un jour, après ou avant d'aller à Bayeux, je peux peut être vous organiser une visite privée avec les propriétaires.


Hieronymous était là évidemment. Je pense qu'il a bien aimé lui aussi ce passage à Bayeux. Je crois qu'il n'a pas beaucoup voyagé dans sa vie précédente. Je ne sais pas s'il connaissait la tapisserie.

Nous sommes ensuite aller à Madrid bien sûr voir son Jardin en vrai, au Musée du Prado. La salle d'El Bosco est très belle là bas, avec d'autres oeuvres magnifiques. Mais , le jardin reste mon préféré.

Bien sûr, il y a les Ménines au Prado aussi. Nous sommes passés les voir bien qu'elles ne soien pas de notre époque. Mais Hieronymous y tenait. La solution de Velasquez sur l'épineux problème de la présence de l'auteur dans l'oeuvre l'intéressait. Les artistes semblent avoir un goût particulier pour cette question là.




Puis , nous avons voulu aller voir ses fous au au musée du Louvre. Nous avons été surpris d'apprendre que les fous avaient pris la tangente. Nous n'avons pas trop compris où il étaient partis : dans un autre musée ? à l'atelier de réparation ? Hieronymous a été philosophe : tu sais, m'a-t-il dit , les enfants aiment voyager et ne pas tout dire à leurs parents. J'en ai convenu.


C'est peut être lui qui a eu l'idée d'aller voir La Dame à la Licorne à Toulouse. Je ne suis pas sûre. Peu importe d'ailleurs car nous y sommes allés et c'était merveilleux. Je ne sais pas ce qu'il en a pensé, il n'en a rien dit mais moi, j'ai été subjuguée. Ce mot bizarre, plein de consonnes, de ponts et de jambes dit bien ce qu'il dit : cela m'a pris à la jugulaire, vraiment. J'ai passé deux heures avec cette tapisserie.

C' est une vraie tapisserie , pa comme à Bayeux où c'est une broderie. Mais Hieronymous m'a dit que je gagnerais à ne pas tout prendre au pied de la lettre.


Cette dame m'a permis d'emprunter sa dédicace "A mon seul désir" pour mon retable. Une dame généreuse, vraiment.




A Rotterdam, j'ai bien cru que le mendiant allait lui aussi nous faire une blague comme les fous : Le musée Boijmans était fermé. Mais c'est le contraire qui c'est produit : il était bien, visible, pile et face, au Dépôt Boijmans .

Le musée est en rénovation alors ils ont eu l'idée géniale (qui a eu cette idée géniale ?) d'ouvrir au public le bâtiment de stockage. C'est une occasion magnifique de voir les œuvres autrement -de côté, de derrière, en réparation. Je me suis demandée si les fous n'avait pas fait voguer leur nef jusque là pour rendre visite au mendiant.



Et voilà comment c'est passé mon année avec Hieronymous. C'était joyeux, euphorisant, décoiffant, déroutant. C'était une porte ouverte sur l'imaginaire et la pensée d'une époque lointaine. Ca m'a fait méditer tout en dessiner, collant, peignant, méditer sur le Paradis, l'Enfer, le Passage vers la Mort, les Passages en général. J'ai lu quelque part qu'il était très moraliste. J'espère qu'il me pardonnera de l'avoir un peu bousculé.


J''ai eu du mal avec son Paradis néanmoins. Je l'ai trouvé ennuyeux. pour preuve le dessin que j'en ai fait, que je trouve statique et vide.


Hieronymous est en enfer dans le Retable du Jardin des Délices, en homme arbre ou souche. A-t-il pensé être un refuge pour les pauvres suppliciés ? Il n'a rien dit. Je crois qu'il n'aime pas trop les interprétations simplistes.


Au Prado, la salle d'El Bosco est précédée d'une très belle salle où j'ai découvert Patinir et son Charron . C'était aussi une affaire de passage.


J'ai eu aussi des pensées flottantes sur le Sacré..


Et puis, il y a eu le retable. C'est un objet du rite catholique que l'on ouvrait et fermait à des moments choisis selon le calendrier liturgique. Parfois donc, les visiteurs ne voyaient que l'extérieur. Aujourd'hui, au Prado, les gens regardent surtout l'intérieur.



C'est un objet en bois. Dans le catalogue raisonné de Hieronymous, j'ai lu que les chercheurs analysent le bois pour avoir des éléments de date et essayer d'en tirer des informations sur le processus de création. Cela sert aussi à attribuer l'oeuvre à tel ou tel artiste en fonction de l'âge du bois. Comme Hieronymous avait aussi un atelier collectif et des successeurs qui se sont inspirés de son travail, la recherche permet de rendre à Cléopâtre ce qui lui revient.


Pour finir donc, voilà mon retable. Je n'ai pas de compétence pour interpréter la Bible, J'ai juste fait le retable de ma pomme.



Merci Hieronymus pour ta trace et ton aura.




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